Voici l’essentiel des propos tenus par le co-fondateur de Facebook, Chris Hughes, dans une longue tribune publiée récemment par le New York Times. Bien sûr, il faisait référence au CEO de Facebook, Mark Zuckerberg.
Eh bien, il peut probablement tirer un trait sur cette amitié, a déclaré Hughes dans une interview accordée à CBS This Morning. Ils étaient tous deux colocataires pendant leur étude à Harvard et avaient lancé ce qui allait devenir la plateforme sociale la plus importante au monde. Ils étaient restés amis depuis, même après le départ de Hughes, il y a 10 ans.
Do you think you’re going to stay friends with Mark Zuckerberg?
“I don’t know. Probably not… but there are some friendships where you have disagreements and still stay friends.” — @chrishughes pic.twitter.com/8GbrPpjENl
— CBS This Morning (@CBSThisMorning) 10 mai 2019
Un gars génial, peut-être un peu dans la prise de pouvoir, et sans aucun doute à la tête d’une plateforme sociale ayant le monopole sur tous les autres réseaux sociaux, étouffant ainsi toute innovation dans son berceau. Voici les propos d’Hughes concernant Zuckerberg :
Mark est une personne bonne et chaleureuse. Mais je suis profondément déçu que sa course à la croissance l’ait conduit à sacrifier la sécurité et la civilité au détriment des clics. Je suis déçu que la première équipe Facebook et moi-même, n’ayons pas réfléchi davantage à la manière dont l’algorithme News Feed pouvait changer notre culture, influencer des élections et légitimer des dirigeants nationalistes. Et je suis inquiet que Mark se soit entouré d’une équipe qui renforce ses convictions au lieu de les remettre en cause.
Il a trop de pouvoir.
Le roi intouchable des réseaux sociaux
Dans son éditorial, Hughes explique en détail comment Zuckerberg, qui contrôle 60% des actions avec droit de vote de la société, est, pour reprendre un titre de Vox, “fondamentalement intouchable”.
L’influence de Mark est impressionnante, bien au-delà de celle de n’importe quelle autre personne du secteur privé ou du gouvernement. Il contrôle trois plateformes de communication majeures : Facebook, Instagram et WhatsApp, utilisées par des milliards de personnes chaque jour. Le conseil d’administration de Facebook fonctionne plus comme un comité consultatif que comme un véritable superviseur, car Mark contrôle environ 60% des actions avec droit de vote. Mark seul peut décider comment configurer les algorithmes de Facebook pour déterminer ce que les gens voient dans leurs fils d’actualités, quels paramètres de confidentialité ils peuvent utiliser et même quels messages ils peuvent recevoir. Il définit les règles permettant de distinguer les discours violents et provocateurs des discours simplement offensants, et il peut choisir de bloquer un concurrent en l’acquérant, en le bloquant ou en le copiant.
Hughes a déclaré que ce manque de contrôle à la tête d’une entreprise valant aujourd’hui un demi-trillion de dollars (environ 450 milliards d’euros) était devenu évident après 2018 : période qu’il a désigné comme étant “l’annus horribilis” de Facebook, lorsque la Russie s’est mêlée au débat américain via les réseaux sociaux et après le scandale des données de Cambridge Analytica.
Quitter Facebook … mais pour aller où ?
Les utilisateurs dégoûtés ont lancé au niveau mondial un mouvement “Delete Facebook”. Grand mal leur a pris. En effet, Hughes a fait référence aux chiffres du Pew Research Center selon lesquels un quart des utilisateurs avaient supprimé leurs comptes de leurs téléphones au cours de l’année précédant juin 2018, mais beaucoup ne l’avaient fait que temporairement. Peut-être même que certains d’entre eux n’ont pas véritablement quitté la plateforme sociale, alors qu’ils pensaient que c’était le cas, ignorant que Facebook avait absorbé tout simplement ses rivaux sur les réseaux sociaux, notamment WhatsApp et Instagram.
J’ai entendu plus d’un ami dire : “Je quitte définitivement Facebook : Dieu merci il y a Instagram”, ne réalisant pas qu’Instagram était une filiale de Facebook. Finalement, les gens n’ont pas quitté massivement les plateformes de la société. Après tout, où iraient-ils à la place ?
Hughes pense que le moment est venu pour les États-Unis de réapprendre à déconstruire des monopoles, et Facebook est un bon point de départ. En fait, selon lui, nous ne devrions pas permettre aux grands de ce secteur de s’autoréguler :
Nous ne pensons pas que des règles plus dures ou des commissions volontaires permettront de réglementer les sociétés pharmaceutiques, les acteurs du secteur de la santé, les constructeurs automobiles ou les fournisseurs de cartes de crédit. Les agences supervisent ces industries pour s’assurer que le marché privé fonctionne pour le bien public. Dans ces cas, nous comprenons tous que le gouvernement n’est pas une force extérieure qui s’immisce dans un marché organique, car c’est justement ce qui rend possible, au départ, un marché dynamique et équitable. Cela devrait être aussi vrai pour les réseaux sociaux, les voyages en avion ou les produits pharmaceutiques.
Une amende de 5 milliards de dollars ne résoudra pas ce problème
La Federal Trade Commission américaine s’interroge actuellement sur la question de savoir si Zuckerberg et Facebook doivent être tenus responsables des nombreuses atteintes à la vie privée, a rapporté le Washington Post le mois dernier. Dans un communiqué, Facebook a déclaré qu’il “espérait parvenir à une solution juste et appropriée”.
Même l’amende de 5 milliards de dollars (environ 4,46 milliards d’euros) que la FTC devrait imposer ne suffira pas à ralentir Facebook, a déclaré Hughes. Cela jetterait plutôt de l’huile sur le feu, compte tenu de la flambée du cours de l’action que cette annonce a déclenchée :
Le mois dernier, au lendemain de l’annonce d’une prévision de bénéfices, la société a été informée qu’elle devra payer une pénalité d’environ 5 milliards de dollars pour négligence, un coup d’épée dans l’eau en réalité. En effet, les actions de Facebook ont bondi de 7%, ajoutant 30 milliards à sa valeur, six fois le montant de l’amende.
Facebook ne proposera pas non plus de nommer une sorte de ‘tsar de la vie privée‘. Le gouvernement “doit tenir Mark responsable”, a déclaré Hughes, plutôt que de se laisser impressionner par le succès de l’entreprise et de ressembler de plus en plus à des techno-illettrés gâteux :
Après la déclaration faite par Mark devant le Congrès l’an dernier, il aurait fallu lui demander d’assumer vraiment ses erreurs. Au lieu de cela, les législateurs qui l’ont interrogé ont été ridiculisés et se sont montrés bien trop vieux et déconnectés pour comprendre le fonctionnement de la technologie en général. C’est l’impression que Mark voulait donner aux Américains, car finalement cela signifie que rien ne changera vraiment.
Billet inspiré de Break up Facebook, cofounder says: it’s an un-American monopoly, sur Sophos nakedsecurity.