Vous, qui faites peut être partie de ces nombreux rats de laboratoire impliqués sur les réseaux sociaux, vous savez probablement déjà que Facebook a été conçu sur les principes de la dépendance déjà observée à Las Vegas : à savoir l’exploitation de la psychologie humaine et de ses failles en nous donnant de petites doses de dopamine avec ces “Likes” afin que nous continuions à revenir sur la plateforme tels des passionnés de machines à sous qui sentent enfin que la chance va leur sourire.
En 2017, l’ancien président de Facebook, Sean Parker, nous a raconté, pendant cette fameuse période de mea-culpa, les efforts incessants de Facebook pour nous rendre accros.
Il est donc raisonnable de s’inquiéter quand Facebook a pour projet de jouer avec notre cerveau. Il y a clairement des raisons pour lesquelles un utilisateur peut ne pas faire confiance à la plateforme sociale, si cette dernière devait avoir un accès direct à son cerveau.
Mais l’un des projets de recherche technologique de Facebook, à savoir le financement d’algorithmes d’intelligence artificielle (AI) capables de transformer l’activité cérébrale en paroles, peut tout simplement être altruiste.
Il s’agit de créer une interface cerveau-ordinateur (BCI : Brain-Computer Interface) permettant aux utilisateurs de saisir du texte simplement par la pensée. Facebook a annoncé qu’il venait de réaliser une première en matière d’expérimentation de la lecture de pensée sur le terrain : alors que le décodage précédent avait été effectué en mode désynchronisé (offline), pour la première fois, une équipe de L’Université de Californie à San Francisco a réussi à décoder en temps réel un ensemble complet de mots et de phrases parlés et issus de l’activité cérébrale.
Dans un article publié récemment dans Nature Communications, le neurochirurgien Edward Chang de l’Université de Californie à San Francisco (UCSF) et le stagiaire postdoctoral David Moses ont publié les résultats d’une étude démontrant que l’activité cérébrale enregistrée pendant que des individus parlaient pouvait être utilisée pour décoder presque instantanément ce qu’ils étaient en train de dire sous la forme d’un texte sur un écran d’ordinateur.
Chang dirige également une équipe de recherche en neuroscience, de premier plan, spécialisée dans le langage et la cartographie cérébrale permettant notamment le développement de nouveaux traitements pour les patients souffrant de troubles neurologiques. En bref, il s’agit du choix logique pour le programme BCI annoncé par Facebook lors de la conférence F8 de 2017. L’objectif du programme est de créer un dispositif portable non invasif de lecture de pensée permettant aux utilisateurs de saisir du texte en imaginant simplement qu’ils parlent.
Dans un article de blog sur le projet, Facebook a déclaré que la neuroscience avait énormément progressé au cours de la dernière décennie, car nous en savons beaucoup plus sur la façon dont le cerveau comprend et génère la parole.
En parallèle, la recherche sur l’IA a amélioré la transcription de la parole en texte. Rassembler ces technologies, pour mettre en oeuvre la lecture de pensée, en espérant qu’un jour les gens pourront communiquer en pensant uniquement à ce qu’ils veulent dire permettrait d’améliorer considérablement la vie des personnes atteintes de paralysie.
L’étude portait sur trois patients épileptiques volontaires qui suivaient déjà un traitement au centre médical UCSF. Avant l’intervention chirurgicale, des électrodes permettant d’effectuer des enregistrements avaient déjà été implantées dans leur cerveau pour localiser l’origine de leurs crises.
L’espoir est de décoder plus de mots dans un laps de temps réduit : l’objectif est de décoder 100 mots à la minute avec un vocabulaire de 1 000 mots et avec un pourcentage d’erreur inférieur à 17%.
Alors que des électrodes étaient implantées dans la tête des patients, Facebook expliquait que le but ultime était de créer un dispositif de lecture de pensée portable non invasif destiné à aider les patients souffrant de perte de la parole.
Nous sommes tout de même loin du compte, mais heureusement Facebook Reality Labs (FRL) collabore avec des partenaires, notamment l’Institut de radiologie Mallinckrodt de la faculté de médecine de l’Université de Washington et l’APL de Johns Hopkins, sur la façon de procéder.
La prochaine étape : utiliser la lumière infrarouge.
Facebook nous demande d’imaginer un oxymètre de pouls : le capteur en forme de pince avec une lumière rouge que les praticiens fixent sur votre index lorsque vous consultez votre médecin. Ces appareils mesurent le niveau de saturation en oxygène de votre sang à travers votre doigt. De même, cette lumière proche de l’infrarouge peut être utilisée pour mesurer l’oxygénation du sang dans le cerveau depuis l’extérieur du corps de manière sûre et non invasive. Selon FRL, cette technique est similaire à celle utilisant les signaux mesurés aujourd’hui en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), mais elle serait portable et mobile, élaborée à partir de composants de qualité grand-public.
Le système infrarouge est peu pratique : il est “volumineux, lent et peu fiable”, a déclaré FRL. Même s’il doit être amélioré, de manière modeste, afin de lui permettre de décoder une série de pensées silencieuses, telles que “maison“, “sélectionner” et “supprimer“, FRL pense qu’il pourrait redéfinir complètement notre interaction avec les systèmes de réalité virtuelle actuels et avec les lunettes de réalité augmentée du futur.
Quelle est la prochaine étape après avoir mesuré l’oxygénation du sang pour déterminer l’activité du cerveau ? Eh bien mesurer le mouvement des vaisseaux sanguins et ceux des neurones eux-mêmes.
Grâce à la commercialisation des technologies optiques pour smartphones et LiDAR, nous pensons pouvoir créer de petits dispositifs BCI pratiques qui nous permettront de mesurer les signaux neuronaux plus proches de ceux que nous enregistrons actuellement avec des électrodes implantées, et peut-être même décoder un jour la parole silencieuse.
Facebook, essayez de décoder ceci : “Mon cerveau vous fait juste un grand Whaou”. Mon cerveau pense que cela pourrait être une opportunité sans commune mesure pour ceux qui souffrent d’un AVC ou qui ont été victimes d’autres traumatismes à la tête.
Billet inspiré de Facebook is working on mind-reading, sur Sophos nakedsecurity.