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Le co-fondateur de WhatsApp : “j’ai vendu la vie privée de mes utilisateurs”

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Brian Acton, co-fondateur de WhatsApp, a révélé qu’il avait quitté, 10 mois plus tôt, l’entreprise acquise par Facebook, car il était en total désaccord avec la stratégie de la plateforme sociale concernant l’application de messagerie chiffrée. Il a déclaré à Forbes :

C’est comme si tu veux faire des choses que je ne veux pas faire. Alors dans ce cas-là c’est mieux que nos chemins se séparent. Et c’est ce qu’il s’est passé.  

Oui, effectivement, il l’a fait. Il s’est échappé, laissant 850 millions de dollars sur la table (environ 730 millions d’euros), car il a quitté Facebook un an avant l’acquisition réelle de ses actions. Il pèse tout de même toujours 3,6 milliards de dollars (à peu près 3 milliards d’euros).

L’interview donnée à Forbes a été la première occasion pour Acton de parler publiquement des raisons de son départ.

En fait, il a fait ses adieux à Facebook au moment où le scandale Cambridge Analytica a éclaté :

C’était son dernier tweet.

Alors, qu’est-ce qui a poussé Acton à rejoindre les rangs des repentis de la Silicon Valley, qui grossissent plutôt rapidement ? Un groupe qui comprend maintenant un ancien leader de chez Reddit qui s’est excusé d’avoir rendu le monde tel qu’il est, à savoir “pire qu’avant”, et l’ancien président de Facebook qui s’est excusé platement de l’exploitation par l’entreprise de “la vulnérabilité de la psychologie humaine”.

Acton a expliqué que la vie privée des utilisateurs était en fait un simple produit qu’il avait vendue à Facebook, pour la somme plutôt étonnante de 19 milliards de dollars (qui a finalement atteint 22 milliards de dollars, soit environ 19 milliards d’euros). Cette même entreprise justement qui englouti les données personnelles des utilisateurs, puis vous jette à la figure une petite phrase du style “Désolé, nous ne connaissons pas exactement le volume réel que représente toutes les données que nous avons sur vous : c’est trop compliqué !

Agir a souligné que :

En fin de compte, j’ai vendu mon entreprise. J’ai vendu la vie privée de mes utilisateurs pour un plus grand profit. J’ai fait un choix et un compromis. Et je vis avec ça tous les jours.  

Sur le fond, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase a été un désaccord sur la monétisation de WhatsApp : une application dont les cofondateurs étaient connus pour leur dégoût de la publicité.

Selon Forbes, la devise d’Acton chez l’éditeur de l’application de messagerie chiffrée de bout en bout était “pas de publicités, pas de jeux, pas de gadgets”. Pas vraiment le genre d’entreprise qui intéresse, à priori, Facebook, dont 98% de son chiffre d’affaires vient de la publicité. Forbes a déclaré :

Une autre devise était “prenez le temps de faire du bon travail”, un contraste frappant avec “bougez vite et casser l’existant”.  

“Prenez le temps de faire du bon travail ” a peut-être été sa devise, mais elle n’a pas toujours bien décrit ses propres actions. Il n’a pas attendu que Facebook l’achète pour casser l’existant : il se débrouillait très bien tout seul avant la méga-vente de 2014.

Comme, par exemple, l’enquête conjointe canado-néerlandaise sur la protection de la vie privée en 2013. Nous avions accordé un crédit à WhatsApp à l’époque : des erreurs avaient été commises, mais les autorités ont travaillé pour les réparer. Mais dix mois plus tard, il est sorti du droit chemin, encore une fois, lorsqu’il y a eut de nouveau un raté avec le chiffrement.

Un peu plus d’une année s’est écoulée depuis que le CEO de WhatsApp, Jan Koum, a affirmé publiquement que “le respect de votre vie privée est codé dans notre ADN“.

Mais lorsque le code de WhatsApp a été testé à nouveau en avril 2014, il s’est avéré que la protection de la vie privée ne semblait toujours pas être la priorité. Des chercheurs ont découvert que des pirates capables d’espionner le trafic réseau entre le téléphone d’un utilisateur WhatsApp et les serveurs de Google pouvaient localiser un utilisateur dès lors qu’il partageait sa position avec d’autres utilisateurs WhatsApp.

Une fois de plus, WhatsApp a pris au sérieux les conclusions des chercheurs et a promis de corriger ses erreurs dans la prochaine version.

En effet, des erreurs sont toujours possibles. L’historique de WhatsApp (avant l’acquisition) était qu’il a toujours au moins essayé de faire le bon choix. À part peut-être, la vente à Facebook et penser un seul instant que la vie privée et les données des utilisateurs ne seraient pas digérées par cette machine sociale géante !

Facebook a conclu un accord avec Acton et le cofondateur de WhatsApp, Jan Koum, qu’ils n’ont pas pu refuser. Le fondateur Mark Zuckerberg a également promis au duo qu’il y aurait une “pression zéro” au niveau de la monétisation pendant les cinq prochaines années.

Eh bien, cela ne s’est pas déroulé ainsi. Forbes a précisé que :

En l’espace de 18 mois, de nouvelles conditions générales d’utilisation de WhatsApp concernant les comptes a transformé Acton en menteur. “Je pense que tout le monde pariait sur le fait que l’UE aurait peut-être oublié car pas mal de temps s’était écoulé”. 

L’Europe n’a pas oublié. Au lieu de cela, l’Europe a infligé une amende de 122 millions de dollars (environ 105 millions d’euros) à Facebook pour avoir donné à l’UE des “informations incorrectes ou trompeuses” sur cette acquisition. Peu importe : c’était juste un obstacle sur la route, et l’accord a été conclu.

Qu’est-ce que tout cela change réellement ? Quel est l’impact des remords d’Acton d’un point de vue en pratique ?

Aucun en réalité. Il est seulement passé à côté d’une très belle somme d’argent, mais il est encore très riche, et les utilisateurs de WhatsApp étaient déjà tous vendus à Facebook sous le leadership d’Acton.

Il a sous-entendu que Facebook l’avait utilisé pour faciliter l’acquisition de WhatsApp au niveau des régulateurs de l’UE qui étaient inquiets de la possibilité de relier les comptes … ce qui a été fait par la suite.

En août, Facebook a déclaré être prêt : les publicités arriveront sur WhatsApp l’année prochaine, avec de nouveaux outils qui permettront aux entreprises d’offrir une assistance client via WhatsApp.


Billet inspiré de WhatsApp cofounder: “I sold my users’ privacy”, sur Sophos nakedsecurity.

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