Vous êtes-vous récemment assis sur le siège arrière d’un véhicule Uber ou Lyft à Saint-Louis ?
Si oui, vous êtes-vous retrouvé immergé dans un bain de lumière violette ? … Conduit par un sympathique chauffeur barbu nommé Jason ?
Si des souvenirs vous reviennent, le temps est venu de dire bonjour à la caméra cachée, étant donné que vous avez sans doute été filmé en direct et les images diffusées sur Twitch TV à votre insu, et peut être même que des étrangers ont commenté votre comportement en ligne lors de votre performance involontaire.
Ou évalué l’esthétique de votre corps. Ou capturé des vidéos upskirt de votre entrejambe. Ou bien vous ont observé en train de vomir. Ou vous ont espionné pendant que vous vous embrassiez, ou que vous pleuriez, ou quand vous critiquiez vos parents/ami ou encore votre patron.
C’est ce qui est arrivé à des centaines de passagers qui se sont retrouvés dans un véhicule conduit par Jason Gargac, à présent un ancien chauffeur de Lyft et Uber qui avait décidé de diffuser en direct des vidéos de ses passagers, et de lui-même en tant que narrateur en l’absence de clients, lorsqu’ils conduisaient dans les alentours de Saint-Louis.
À partir du mois de mars et jusqu’à la fin de la semaine dernière, lorsque les deux entreprises l’ont licencié, Gargac a fait environ 700 courses avec Uber et plus encore avec Lyft, selon le St. Louis Post-Dispatch.
La plupart de ces courses ont été diffusées sur la chaîne Twitch TV de Gargac : un site de vidéo en direct qui est populaire auprès des gamers. Et la plupart de ces clients filmés en direct, l’ont été à leur insu, rapporte le journal. Gargac utilise l’identifiant “JustSmurf” sur sa chaîne, qui a été désactivée sur Twitch TV samedi dernier. Voici le genre de commentaires avec lesquels les abonnés Twitch de Gargac s’amusaient : quand un internaute attribuait à une cliente blonde un “7” et à une brune un “5”, un autre utilisateur avec l’utilisateur “DrunkenEric” répondait que …
Dommage qu’elle ne s’assied pas comme une femme.
Les lumières violettes ? Elles ont été utilisées pour éclairer les passagers vis-à-vis des caméras. Deux caméras, “à peu près de la taille et de la forme d’un jeu de cartes”, étaient montées sur le pare-brise, l’une dirigée vers l’extérieur, et l’autre vers l’intérieur de la voiture. Gargac a dépensé environ 3000 $ (environ 2500€] pour équiper sa voiture avec un studio d’enregistrement mobile, incluant ce que le St. Louis Post-Dispatch rapporte comme étant un panneau de contrôle à 12 boutons qui lui a permis de basculer entre les différents angles de vue des caméras pendant qu’il conduisait. Il a utilisé ce que le journal a appelé une “configuration de données»”pour garder ses livestreams connectés.
Dans un entretien avec le journal, Gargac a déclaré qu’à un moment donné, il avait ajouté un autocollant de 10 cm sur la vitre arrière passager. On pouvait y lire :
Avertissement : Pour des raisons de sécurité, ce véhicule est équipé d’appareils d’enregistrement audio et vidéo. Un consentement tacite est donné en entrant dans le véhicule.
Le Post-Dispatch a réussi à entrer en contact avec un certain nombre de personnes filmées. Aucune n’a dit qu’elles avaient remarqué cet autocollant. Elles ont déclaré qu’ils se sentaient “déshumanisés”, et qu’elles avaient demandé que leurs noms ne soient pas utilisés dans la presse, étant donné qu’elles se sentaient humiliées par les commentaires laissés sur Twitch.
Cependant, leurs prénoms, et même leurs noms complets, avaient parfois été révélés au niveau des livestreams. Il en va de même concernant leurs domiciles : à un moment donné, Gargac a déclaré à ses auditeurs qu’il avait l’intention d’éteindre la caméra avant à l’approche d’une adresse de prise en charge, afin de “protéger la vie privée des gens, etc etc etc”.
… s’il s’en souvient bien. “Je vais essayer de m’en souvenir”, avait-il déclaré. “J’oublierai probablement la moitié du temps”.
Gargac a également dit au St. Louis Post Dispatch qu’il masquait les adresses s’il les récupérait avant que les clients ne les prononcent, et qu’il avait interrompu une conversation sur la toxicomanie et une autre sur les finances personnelles. Il a également créé un “bloc” graphique qu’il pouvait déclencher à partir de son panneau de contrôle afin de masquer des choses comme ces captures upskirt. Il l’a créé après que l’un de ses followers ait extrait la séquence vidéo upskirt pour la visionner plus tard.
Sa motivation était en partie d’éviter d’être banni de Twitch, étant donné que ses conditions générales d’utilisation interdisent le contenu sexuel, a-t-il déclaré.
Donc c’est en partie les [conditions générales d’utilisation] et une certaine motivation pour respecter les gens. Vous savez, je ne voudrais pas que tout et n’importe quoi se retrouvent devant la caméra, alors je vais essayer de respecter tout le monde autant que possible.
The Post-Dispatch a publié son rapport sur le livestreaming de Gargac vendredi dernier. Dans la semaine qui a précédé la publication, Lyft et Uber ont répondu aux questions du journal en publiant des réponses préparées prouvant que la pratique était légale au Missouri, où une seule des 2 parties engagées dans une conversation devait consentir à son enregistrement. Gargac était cette unique partie !
La déclaration initiale d’Uber :
Les chauffeurs partenaires sont responsables du respect de la loi lorsqu’ils effectuent des courses, y compris les lois concernant la vie privée. L’enregistrement des passagers sans leur consentement est illégal dans certains états, mais pas dans le Missouri.
Cependant, cette règle a changé samedi. Lorsqu’Uber a envoyé une déclaration mise à jour concernant la suspension de Gargac au niveau de l’application. Lorsque la chaine de Gargac avait disparu de Twitch TV. Dimanche, Lyft a également déclaré que le chauffeur avait été désactivé au niveau de son application. Lundi, Uber a déclaré au journal qu’il avait entièrement mis fin à sa relation avec Gargac.
Après que l’histoire ait été publiée, Twitch TV a déclaré dans un communiqué qu’il supprimerait le contenu s’il recevait une plainte de quelqu’un dont la vie privée avait été violée.
Chip Stewart, un professeur de l’Université chrétienne du Texas qui a étudié les impacts du livestreaming sur la vie privée, a déclaré au Post-Dispatch que les passagers enregistrés subrepticement pourraient avoir un recours légal, mais le succès d’un tel cas pourrait dépendre du fait “qu’en montant dans le véhicule de Gargac, “ils avaient des attentes raisonnables en matière de protection de la vie privée”.
Gargac, qui a dit au journal qu’il considérait son véhicule comme un espace public, dans lequel il n’aurait pas, par exemple, de relations sexuelles, pourrait tout de même faire face non seulement à des poursuites civiles, mais peut-être même à des poursuites pénales. En effet, certaines de ses courses ont concerné l’état de l’Illinois : un état voisin qui exige que toutes les parties consentent à ce que les conversations soient enregistrées.
Son histoire a été reprise par le New York Times, “NBC Nightly News”, la BBC et “Good Morning America”, entre autres, et est utilisée pour illustrer le flou des lois actuelles sur la vie privée.
En réponse à cet emballement médiatique, Uber a confirmé lundi qu’il allait réévaluer ses politiques.
Billet inspiré de Hidden camera Uber driver fired after live streaming passenger journeys, sur Sophos nakedsecurity.